Mais où sont donc passées les photographies de Lélio Lacaille ?

Vois !

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C’est une ancienne bergerie aménagée en gite.

Pas un grand gite pour les groupes de randonneurs qui font juste la halte du soir, et le petit déjeuner du matin avant de partir à la conquête des pentes.
Juste quatre chambres sous la pente du toit.

Regarde comme elle est accueillante celle à laquelle Olivier nous a confié.
Oui, le plafond est bas – Catherine l’a rencontré plusieurs fois, de la tête et même du bras.
Mais vois comme la lumière y pénètre, par la petite porte qui, au bout d’un escalier en échelle de meunier, mène du côté Nord, vers un bout du monde où la route se tait et devient sente.

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Ici, c’est le début de notre ballade hésitante – la carte n’est pas le territoire et ce qu’elle raconte d’une voix monocorde est souvent démenti par le pas.

Tout en bas de cette longue montée qui mène au col de la Croix, une pente où la chaussure glisse, sur ces pierres déchues, sur ces feuilles que l’hiver n’a pas su digérer. Une pente qui fatigue la cuisse et le mollet, et, ralentissant le débit du regard, donne à voir tout ce qui y vit, de primevères, violettes, coucous et même jonquilles d’une espèce bien plus épanouie que celles qui font les fières dans les jardins.

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L’arrivée au col est un cadeau que je t’offre avec grand plaisir.
Regarde ce changement de paysage que seuls peuvent offrir ces passages élevés entre deux hautes vallées.
Nous n’avons pas grimpé assez pour contempler les eaux froides du lac du Lauzon… ce sera pour une autre fois. Notre envie nous emmène en bas, de l’autre côté, vers Tréminis dont on voit les trois parties, là où autrefois se trouvaient les trois châteaux disent les doctes. A moins que tu ne préfères, avec Giono, voir en ce nom l’annonce de la fin des terres, la fin d’un monde, dont l’ultime espace est celui qui se nomme Le Serre, où la montagne crispe ses roches et interdit le passage à ce qui ne se déplace pas sur ses propres membres.

Oui, Giono. Car c’est bien lui dont nous sommes venu humer la trace, deviner le pas, le regard, saisir ce qui lui a fait écrire « Le semeur de graine » et d’autres pièces de son théâtres qui doivent une part de leur feu au Trièves.

Pourtant nous n’irons pas jusque-là.

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Vois, ce chemin de traverse qui passe dans les buis, au bord de ce près sur une colline qui domine Le Serre. Difficile de dire pourquoi nous n’avons pas poussé plus loin, il nous restait une centaine de mètres à faire, peut-être l’épargne d’une joie à venir qui n’était, ce jour-là, pas encore mure et qu’il aurait été bête de gâcher ?

Ainsi, ce que tu aperçois à présent, c’est ce petit morceau de berge couverte d’une herbe chiche, et d’odeurs que le soleil de midi exalte, où nous avons déjeuné. L’eau du ruisseau  ne nous a pas fait regretter la bière que prudemment nous avions laissée à la Bergerie. Un peu de pain d’épeautre et de blé mélangé, quelques petites cœurs de bœuf, un bout de tome,  une demi-pomme et nous étions tous deux rassasiés.

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Vois-tu ce bâton ? Cadeau du chemin dont ceux qui préparent la Saison ont rafraîchi les bordures. Branche de buis droite comme un peuplier dans lequel je me suis taillé le bâton de marche dont j’avais besoin pour le retour.

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Si je ne t’ai pas parlé de la neige, que tu peux voir ici sur le chemin – étrangement il n’y en a guère ailleurs – c’est qu’à l’aller, elle n’a que peu entravé notre marche. Au retour, il en ira bien autrement. Chaque pas doit se planter dans le manteau neigeux pour éviter la glissade. C’est l’occasion d’apercevoir ce qui, à l’aller n’avait pas eu le temps d’attirer notre regard : Les arbres en décomposition mais pourtant bien plus loin de la décrépitude que d’une renaissance sauvage qui passerait par cette étape que les alchimistes nomment « dissolution », d’autres fleurs aux noms inconnus dont l’esprit ne parvenait donc pas à nous court-circuiter les touchers, des nuances dans le ciel pourtant sans aucun nuage, jusqu’à l’absence d’oiseaux qui faisait présence.

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Sur cette dernière image, nos pieds sont libérés de leurs entraves, nos corps osent leur fatigue, et Olivier nous a apporté deux bières et une part de tartes aux myrtilles. Sans le bruit de nos pas, des pierres qui glissent, de nos bâtons sur le sentier, nous sommes proches du sommeil.
Vois comme nous n’existons pas plus que l’herbe du pré où s’assoupissent nos chaises longues.
Il y aura presqu’une heure immobile en cet instant-là.

Voilà ! J’espère que ces quelques photos t’auront fait partager un peu de nos instants enrochés entre Le Diois et la Trèves. Qui sait ? Peut-être nous rencontrerons-nous un jour en ces lieux-là ?


  • Lélio
  • J’ai relu ton texte. Il y a un problème !
  • Où sont les photographies ?
  • Tu y fais allusion dans ton texte, mais je n’en vois trace nulle part.
    Un problème, avec ton appareil photo ?
  • Quel appareil photo ?
  • Et bien celui avec lequel tu as obtenus les clichés dont tu parles.
  • Comment as-tu pris ces photos ?
  • Ben … Comme cela …

Lélio se lève alors de la chaise où il somnolait, se plante dans la direction du Ventoux, s’immobilise, puis après un temps de silence et d’immobilité cligne des yeux une fois.

4 réflexions sur “Mais où sont donc passées les photographies de Lélio Lacaille ?

    • Merci d’avoir apprécié les photo (sans graphies) de Lélio (sourire)²
      Elles doivent beaucoup au lieu magique qu’est cette vallée
      perdue pour beaucoup … mais pas pour tous
      qui permet de passer d’une enclave du pays de Die (Diois) à ce bout du Trièves
      qui se souvient de Giono.

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    • Le lieu (et ceux qui y ont laissé un peu de leur présence) y est pour beaucoup
      merci.
      J’aime aussi les photos immobiles
      mais celles que je produis ainsi (car ce n’est pas que fabulation) ont des vertus particulières
      qui leur vient (comme tout ce qui vit) de l’emprise qu’a le temps sur elles :
      des détails disparaissent, des parties deviennent plus floues, des ajouts se font.
      Et puis un jour il ne reste que le désir de les voir ou l’oubli.

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