L’ami retrouvé, dans les ruelles …du sud

L’ami en question est un texte
Le sud, est celui des cahiers du sud de Mars-Avril 1945, *

L'ami retrouvé (texte)2
ces ruelles sont, ces marges dans lesquelles j’ai souvent écrit un texte court, lorsque – à défaut de papier et ne faisant pas confiance à une mémoire à tiroirs dont je perdais et perds de plus en plus souvent, la clé – généreusement, l’esprit qui plane sur nos têtes traversait la mienne et y déposait un germe.
(Plus précisément, il s’agit de la marge du texte de Maast (Jean Pauhlan) « La pensée sans objet ». Mon petit texte est peut-être le signe d’un désaccord avec l’auteur ? Mais je n’y trouve aucun lien ?!)

Je ne saurais dire de quand date ce texte** … c’est en triant dans ma bibliothèque, en cartons depuis plus de dix ans, que j’ai retrouvé, la revue et l’ami qui y dormait.

L'ami retrouvé (texte)1

 


* Voulant mettre à disposition la publication des cahiers du sud sur cette page, j’ai fait une recherche sur gallica qui m’a renvoyé à RetroNew qui possède sur les six parutions de l’année les numéro  269, 271, 273, 273 et 274 ! (Une fausse note, Un canard ! coin si dense ?)

**Un indice tout de même …
il est postérieur à la date à laquelle, après les remarques répétées d’adultes patentés, j’ai renoncé à mon écriture attachée, illisible pour un autre que moi et, tâcheronnant sur des lignes comme un petit enfant, j’ai enseigné à ma main droite la discontinuité.
(sourire)²²²


https://journals.openedition.org/rives/4862 : à propos des cahiers du sud et de Jean Ballard son fondateur.

Au-delà des murs

Quitter la demeure confortable des souvenirs.

Chasser de l’esprit le limon de bonheur, traces laissées d’anciens plaisirs. Tout ce qui est né d’elles en désir pour le beau, la saveur, la rencontre de l’autre.

Purger l’intérieur, extirper toute parcelle joyeuse, lessiver les parois, du crâne, du cœur, de la peau. Plus trace de caresse, empreinte de lèvre. Que le pas oublie l’accueil du chemin, de tout chemin et leurs promesses.

Qu’un brouillard plus dense que la pierre avale l’horizon.

Alors, le regard vague, où la seule lumière est celle de la crainte, prendre à pleine main le flacon qui circule de bouche en bouche, se verser une large gorgée de son jus acre, puis une autre. Lui faire poursuivre sa ronde en la laissant à la main avide qui se tend.

Bien plus tard, mangé de silence, étendre le corps, soulever du sol la tête d’un habit roulé en boule ou d’une chaussure retirée.

Croiser le regard d’un autre, étendu lui aussi. Apercevoir alors ce que le néant y cachait, ce qui reste de l’être et qui ne disait rien.

Oui l’âme est dévastée
mais ses ruines sont belles

au-de-la-des-murs-p

 


(Merci à René Taesch de m’avoir permis d’utiliser cette photographie publiée dans
« Portrait de groupe avant démolition« )

Deux petites roues à l’arrière de la bicyclette … pour rouler droit

vélo petites roues

Qui serait doté d’une sensibilité profonde et naturelle
(un naturel second
un naturel ayant passé un harnais à la raison)
n’aurait besoin ni de LOI ni de MORALE
ces abstractions, ces formalismes, ces boussoles
qui nous permettent de conserver la bonne direction
en ignorant tout du bien et du mal
en confondant parfois même le premier
avec ce que semble en dire ces deux abstractions.
code civil
Celui-là serait semblable
du point de vue de sa vie
à cet artiste
du point de vue de son oeuvre
capable d’y inscrire le nombre d’or
sans calcul, sans compas
sans même avoir l’intention de l’y mettre.
vélo-
L’homme actuel est souvent à l’inverse.
Cumulant les prothèses en tout genre,
lui permettant d’agir sur le réel sans y frotter
ni le cœur ni la peau.
 transhumain-
Une averse si discrête 
des gouttelettes si légères
que seule la surface des flaques d’eau
percevaient leur présence.

[peauâme]

Enfant qui danse-L’existence est une poésie à contraintes

l’une d’entre elle est le corps

une autre l’esprit

comme en poésie elles aident à produire du beau.

 

___
La terre ne résiste pas sous le pied de l’enfant
elle l’accompagne
se matérialise à chaque endroit où il se pose
ami qui anticipe et qui prévient le faux pas
où le provoque
pour cette joie des corps qui se touchent
et des âmes qui s’abouchent
ce n’est que bien plus tard
que l’on nommera « accident » la chute.

Poème

Errance

Au soir
la fatigue mouillée coulant le long des tempes
emportant les pensées jusqu’aux lacets défaits
ferrailler du regard sur les ombres immenses
en secret vagabond passer la borne blanche

Chercher sans brigander dans les coeurs dans les poches
chercher et soutenir que l’aube nous a fait
étonnés sots mais gais assis dans nos souliers
étonnés et marqués par le fer du berger

Au matin
le front chaud les mains faibles
tout parfumés de paille
ailleurs jeter le vent qui fit battre nos ailes
élever nos regards à toucher les nuages
geler pour le voyage un souvenir au coeur

Repartir jusqu’au soir.

En voix

Entretien – Lélio Lacaille / aunryz

Entretien Lélio Lacaille - aunryz-10b

Lélio Lacaille s’entretient avec aunryz à propos de la lecture-rencontre qui a réuni Michaël Batalla, Raymond Galle et Lucien Suel en la médiathèque de Port de Bouc.

LL : aunryz, tu m’as dit, hors stylo, que ce temps de lecture suivi d’un échange avec les trois auteurs t’avait à la fois comblé et frustré. Pourrais-tu développer un peu ce paradoxe apparent ?

a : Si tu me permets, dans la mesure où nous sommes loin d’être des étrangers l’un à l’autre, je te propose qu’on se vouvoie.

LL : je n’osais te le demander. Merci.

a : La lecture m’a comblé. Je ne vais pas vous en faire le détail, juste évoquer la force de l’écriture et la puissance d’évocation tranquille (et pourtant…) de Raymond Galle, la promenade immobile dans les lieux que les mots de Michaël Batalla donnaient à percevoir avec force et pointes d’humour, la lecture de Lucien Suel portant le verbe, jouant avec lui et transportant l’esprit de l’auditeur à l’intérieur même d’une histoire, de lieux et de gens aussi debout que lui-même l’était pendant sa lecture.

LL : Alors, cette frustration …

a : A la lecture a suivi un échange à la fois dissymétrique et sans réelle communication. C’est assez fréquent dans ce genre de formule, par peur de silence (la radio nous a appris la peur du silence et son impossibilité absolue. Le silence est devenu un monstre.) par peur du silence donc, la première question à destination des auteurs ne venant pas du public dans les premières secondes suivant leur sollicitation, la parole est prise par un organisateur qui pose une « question réponse » c’est-à-dire une question du genre « ne pourrait-on dire que … ? » Question à laquelle il n’est possible de ne répondre qu’en accordant un relatif crédit à « la proposition » en la nuançant (ou la paraphrasant) à moins de s’être préparé au siège que suppose cette interrogation ou d’y avoir déjà été confronté. La question est fermée, la réponse tourne à l’intérieur.

Suit nécessairement, à plus ou moins brève échéance, une intervention beaucoup plus générale d’un des auteurs – un besoin de liberté  tout à fait naturel après la question  fermée – qui va alors donner un point de vue, son point de vue, sur l’écriture. Intervention qui rend alors tout à fait impossible la participation d’un hypothétique auditeur n’ayant rien à dire sur ce sujet ou pire, pouvant être en désaccord avec ce qui est présenté comme un universel.
En cette soirée, ce point de vue était la conception de la poésie, ou de l’écriture poétique que proposait Michaël Batalla.

LL : Vous m’intéressez. Et quelle était-elle ?

a : Selon lui, et c’était dit comme une boutade mais on comprend bien que …, « il ne faut pas emmerder le monde ». Il s’agit donc de proposer un sujet nouveau (appelons le configuration) révélé par un évènement qui donne à l’auteur l’envie autant que l’occasion de le faire exister pour l’autre.
Le poète serait quelqu’un qui veut faire un poème ! « Il faut qu’on fasse des poèmes » « l’enjeu est d’inventer un poème … qui s’ajoute à l’histoire des poèmes. »

LL : Mais en quoi étiez-vous frustré par cette intervention.

a : Comment un aunryz, brindille du fagot des nombreux, assis sur une chaise du public, devant des poètes labélisés, pourrait-il intervenir pour dire que la poésie n’a rien à voir avec la recherche d’un sujet, le désir d’inventer un poème, d’ajouter à l’histoire de la poésie, mais qu’il nait comme une source, d’une eau qui court cachée, sous terre depuis longtemps et qui pour, diverses raisons dans lesquelles les volontés précédemment décrites ne sont en rien déterminantes, devait surgir, doit surgir, surgit !
Et pourtant, il y avait certainement chez celui qui parlait comme un producteur de poème un autre moi, le poète, avec lequel il aurait été possible d’échanger.
Mais assurément celui-là, ce soir-là était ailleurs, endormi ou bâillonné.

LL : Mais alors que faire ? Ne faudrait-il pas un peu secouer tout cela, réveiller le poète endormi, le délivrer … appeler René Daumal ou Bukowski à la rescousse ?

a : Je connais quelqu’un – enterré dans un coin de l’espace que j’habite – qui, il y a quelques années, l’aurait fait. Mais à présent, faiblesse ou calcul, je crois qu’il m’est bien plus profitable de laisser ces petites frustrations couler, s’assembler et pourquoi pas, surgir en un poème.
LL : Et qui traiterait de …

a : Nous ne nous sommes pas compris. Il ne s’agit pas ici de trouver un sujet, un évènement, un personnage. Seulement de capter un peu d’énergie, de quoi tendre une corde, faire trembler le corps, fouetter l’âme et … le poème viendra, alors, on lui fera son lit.*

Entretien Lélio Lacaille - aunryz-10b

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* Il ne s’agit bien sur en aucun cas de nier le « travail » du poète … c’est un sacré boulot de lui faire son lit …