Cela vient à chaque fois en même temps que l’envie de poésie.
Bien sur, je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite.
Au début je prenais l’un pour l’autre :
Cyrano préparait une lettre d’amour et le bellâtre la récitait.
Ainsi j’ai longtemps cru que ma joie venait du poème, de cette irruption du mot en ses beaux atours qui suivait plus ou moins proche d’elle, cette tension des peaux
– propre à faire venir la clarté –
celle du dos de la main
celle qui tapisse la paroi interne du cœur
ou celle du scribe
– cet esclave qui transcrit sur ordre le chant de leur désir et qui, toujours, trahit un peu, tant est grand son appétit de pouvoir –
cette tension que je vivais dans l’impatience
sans comprendre qu’elle était la source même de mon plaisir.
Depuis peu je sais qu’il me faut renverser les apparences.
Le poème n’est que la trace d’un pas sur le chemin, l’indice d’une présence passée.
Lorsque les mots viennent à s’écouler de la plume, je sais que « ça » n’est plus là.
L’haleine chaude a disparu, mes tempes ne sont plus maintenues comme par un mélange d’amitié et de crainte, le châle d’une amante ou les fers de la captivité.
Pourtant, il reste un peu de cette présence dans la forme des vers,
le déséquilibre harmonieux de certaines consonnes et même dans l’espace qui s’ouvre lorsque le texte se referme.
Mais cela est si peu comparé à cette brûlure qui traverse mon corps juste avant que la plume ne se libère en des rondeurs pensées.
Un jour
quand je saurai les paroles
dont autant la couleur que le contour n’est que silence
alors je n’aurais plus besoin du poème
pour voler.
(ni de mes chairs pour exister)
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* étymologiquement valide