Un carné

Il écrivait en de petits carnés grands comme sa main.

A l’endroit se trouvaient tous les comptes relatifs aux mesures de la vie:
argent, consommation d’aliment, d’énergie, dimensions relatives à l’espace, au temps du quotidien.

A l’envers il déposait au jour le jour, les poèmes qui lui venaient aux lèvres 
lors de la rencontre intime ou fugitive
en l’âme de tout ce qui palpite 
avec ou sans musique, 
avec ou sans geste
de tout ce qui soutient et nourrit le monde
parfois dans le plus grand secret.

Il écrivait dans de petits carnets 
qu’il gardait précieusement, 
un mois après qu’ils aient été remplis de signes,
dans la poche de sa veste juste au-dessus de son coeur.
avant de les manger lentement
feuille après feuille
ne gardant que la couverture
qu’il donnait au feu du soir. 
 

Naom ange maudit – Ou les méfaits de l’amateurisme

[Une fois n’est pas …
pour l’« agenda ironique de janvier » chez Lyssamara]


Tandis que les autres demeuraient silencieux, il se mit à aller et venir, fouillant dans tous les tiroirs.

Aucun de ses congénères ne comprenait l’agitation frénétique qui l’animait dans ce qui devait être la recherche d’un met particulièrement succulent.

Car que peut bien chercher un cafard hormis sa nourriture quotidienne. Et pourquoi tant d’empressement ? Les humains laissent partout autour d’eux tant de bonnes choses à manger. Aucun des siens n’a jamais agité son corps en tous sens, ne s’est précipité ici, puis là, n’a fureté dans les moindres recoins de ce meuble mille fois visité par les uns et les autres.

Combien de temps pourra-t-il tenir se train d’enfer avant de s’étendre, épuisé, incapable d’un mouvement, aussi immobile qu’un galet, son absence de cœur battant plus lentement que les pulsations d’une céphéide

En la partie de lui-même capable de penser (les lecteurs nous excuseront de ne pas la nommer, le doute est encore de mise en ce qui concerne sa localisation. Une des thèses en présence étant que cette faculté migre d’un lieu à un autre de son corps, traversé de façon cyclique par le flux concerné, à la manière dont le revif s’empare du littoral ) une question, motive de ce comportement si étranger à sa nature : où avait-il caché le minuscule morceau de papier buvard enduit d’acide borique ?
Oui toute la volition de ce petit être carapaçonné se résumait à « SE REVANCHER – SE REVANCHER – SE REVANCHER … » de ce congénère à gueule d’ange, ce maudit Naom qui lui avait ravi la compagne de ses nuits.

Mais un doute le ronge et justifie toute cette frénésie : celle-ci ne risquait-elle pas d’être prise au piège qu’il avait destiné au beau-crisseur tant haï ?
Il devait absolument retrouver le poison.


Trop tard ! Oui, c’est bien elle ! Immobile … ses si jolies pattes en l’air.

L’absence de larme pour exprimer sa détresse lui rend celle-ci plus cruelle encore.

Les derniers moments de bonheurs viennent alors l’assaillir, rendant encore plus insupportable la vue de ce corps, de celle qui, il y a peu lui disait – et qu’il n’avait su comprendre pour son malheur – « Je m’attache très facilement ».

Pourquoi n’avait-il pas fait appel à un tueur à gage ?!

Sa décision est prise. Se sachant incapable de recourir au suicide, et surtout, afin de boire jusqu’à la lie la coupe des regrets, mais en mettant le contrat à son nom… il fera le jour même appel aux services d’un vrai, un professionnel … un authentique sicaire !

L’Ancêtre

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SA LENTEUR TE RENVOIE À TON-let

Tachée de jaune ou de noir
  L’œil qui sait tranchera
  L’œil qui regarde n’en dira rien
      mais verra
         la démarche lente 
         de la survivante des temps anciens
Créature d’eau et de feu
luisante image de l’espérance bleue
qui anime et donne souffle
         à tout ce qui palpite
             défie les lois de la matière
             et anime
                  notre ronde 
                      hésitante
                           joyeuse 

Cathédrale

Les géants de Calabre

Si tes pas t’y ont conduit un jour
Tu sais déjà comme
   tout en elle a parfum de sacré,
   qu’en cette cathédrale
                       où nul n’y a caché le ciel
   la parole n’est rien
                       ne donne rien
                       ne reçoit rien
   la respiration y est prière
   et le don
       le sacrifice que tu lui fais
       c’est ton pas de promeneur
       et le regard qui la caresse.

Les géants de Calabre


 

SI TU NE VOIS PAS BOUGER LA FORÊT-let

Être à cornes

Elle broute les jeunes feuilles des fayards
Ses cornes redevenues des dents
rien du loup ne lui fait peur

Solitaire, qui l’aurait cru ?
Son pas que rien ne presse
la conduit sans faille
à travers la forêt, ses clairières, ses points d’eau

De l’homme, elle ne sait plus que son ombre.

Être à cornesVache Calabraise dans la forêt de Piani di Carmélia – Aspromonte (Montagne aigre


LE RETOUR À LA VIE LIBRE-let

Quelques secondes encore …

Pour dire à l’eau du ciel deux paroles de pluie
Deux paroles de plus et quelques doux délires
Parce qu’à notre porte un plein panier d’ennui
Nous fut livré tantôt au milieu de la nuit

Pour dire au joues du feu combien il nous ravit
Même si sa caresse nous fouille un peu les chairs
Et jusqu’au fond des os à nous bleuir le sang
A nous donner l’envie d’un petit bout d’hiver

Pour dire à cette terre qu’elle aura notre peau
Que la promesse est faite en un beau testament
Un parchemin qui dit en substance et en mots
Venez ! vie morcelée ! Assécher nos tourments…

Pour dire enfin au vent la grâce qui nous tend
Vers lui, sa transparence et son haleine blanche.
Murmurer doucement comme il nous l’a appris
Une ultime parole à délier la Vie.


POÈME À LIRE AFIN-let