Le faire parler de ses rencontres ?
Il faudrait pour cela
qu’il se réveille au milieu de sa nuit,
y déchire son rêve.
Il ne goute rien plus
que le demi-sommeil
les deux paupières dépliées.
Pourquoi choisirait-il
de perdre ce toucher
avec pour seule compensation
l’œuf de Raison
et son infini bric à brac ?
Auteur : Aunryz
Canaliser la canaille
une eau sans courant
– celui des bateaux qui passent –
captive silencieuse
Il est policé
ce fluide – entre ses deux berges –
qui n’en est plus un
« Ouvrez moi la porte
déliez moi de cette gangue
pour l’amour de dieu«
Une foule informe
a envahi vos palais
vidé vos prisons
Les flots déchainés
ont nettoyé l’écurie
libre est l’étalon
gambade le peuple
le temps de quelques chansons
et de feux joyeux
L’écluse se referme
l’onde est redevenue
Peuple silencieux.
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« Cette canaille de peuple fait quelquefois des plaisanteries de bien mauvais ton ! » Charles X
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Un écho à la page du jour de Dominique Hasselmann
https://hadominique75.wordpress.com/2024/05/16/petite-plaisance/
Les marionnettes – Trilussa
li burattini
I
Guarda li burattini su la scena
co che importanza pijeno la cosa:
guarda er gueriero ch’aria contegnosa,
come se sbatte bene, come mena.
Vince tutti, è teribbile, ma appena,
la mano che lo move s’ariposa,
l’eroe se ‘ncanta e resta in una posa
che spesso te fa ride o te fa pena.
Lo stesso è l’omo. L’omo è un burattino,
che fa la parte sua fino ar momento
ch’è mosso da la mano der destino.
Ma ammalappena ch’er burattinaro
se stufa de tenello in movimento,
bona notte, Gesù, ché l’ojo è caro.
II
Li burattini, doppo lavorato,
finischeno ammucchiati in un cantone,
tutti in un mazzo, senza fà questione
sopra la parte ch’hanno recitato.
Così ritrovi er boja abbraccicato
ar prete che je dà l’assoluzzione,
mentre l’eroe rimane a pennolone
vicino a li nemichi ch’ha ammazzato.
E’ solo lì ch’esiste un’uguajanza,
che t’avvicina er povero pupazzo
ar burattino che se dà importanza.
E, unito ner medesimo penziero,
pare che puro er Re, frammezzo ar mazzo,
diventi democratico davero.
Proposition de traduction (aunryz)
… de là
Plus loin
que la saison d’enfance
vient le temps d’autres défis
un deux trois soleil !
et tout ce qui bouge encore
s’en ira
avec le paysage
Entre deux yeux
A l’époux du sommeil
ce rêve de volupté
du doux, du rond
ce presque nouveau-né au mystérieux éclat
clapotis de mer, terre rieuses
une eau prête à glisser, serrée en goutte claires
drues et chaudes
que rien ne pourra empêcher de tomber
ou même
d’inverser, de remonter la chute
jusqu’à punir l’insolence du vent
et l’impatience du soleil
ignorance
Encore l’oiseau là-bas
à te toucher de son chant
Là-bas
Tu ne saurais dire
sur quelle branche
quel arbre
proche ou loin de sa belle
acquise ou à venir.
Peut-être est-il
dans l’espérance vaine ?
Tu ne sais reconnaître
la joie des oiseaux.
Ventose
Au bout de sa fatigue
la feuille ne comprend plus le vent
ses caresses
ses murmures
n’aspire plus qu’au silence
à l’immobile.
Sait-elle
que ses derniers instants seront tout autre ?
Tu as mangé du fruit
qui chasse l’ignorance
et tu sais
pour la feuille et pour toi.
Alors tu bois du manges tu respires
tout ce que l’air la lumière et la terre
t’offrent
et celle qui vit dans ta maison.
Le voile se retire
L’orage est si près
toute cette pluie en devenir
excèdera ta soif
aveugle
tu le seras
bien avant d’être sourd
et n’en sauras rien
déjà frémissent de joie
de cette pluie en devenir
tous tes suppliciés
vert devenu gris
tombe des forêts en cendre
vies silencieuses
Il jaillit
il est là
l’éclair
blanc, figé dans le ciel
Tu ne verras pas la fin
ni entendra
les chants mêlés
d’un monde en joie.
Les femmes des années 80 – Lettres sauv’iétiques n°363 – 1989
… lu
en aveugle
les mots
sur les lèvres immortelles
de Bella Akmadoulina
ces mots qui coulaient
de la part vivante de ses chairs
celle où son corps
n’avait pas encore achevé de mourir
« Celle où son cœur
se mourrait puissamment«
… gardé
dans un compartiment secret
de ma mémoire
en fleur, en parfum
en graines
de ses mots la tendresse
aussi inconsciente d’elle même
que l’eau d’une fontaine.
Ne sachant qu’en faire
dans cette rue obscure de notre exil.
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l’échappée
Il a rejoint l’oiseau
et ses trois notes vives
qui renvoient l’espace tout entier au silence
Comme lui
son corps est doux dans l’instant de son vol
Comme lui
il défie sans orgueil la gorge de l’hiver
Il a rejoint l’oiseau
qui n’ira pas migrer pour être sauf
l’oiseau
qui donne son corps à la lumière
son duvet à vos rêves.