Si gèl’temps

  1. Il y a le temps qui passe et qui passait sans même qu’on y prête attention, jusqu’à l’instant où l’action le griffe un peu, le réveille et lui donne son sens, lorsqu’on y revient, plus tard.
    La paresse est bien sur du côté
    du voyageur qui se repose
    du journal inactif par essence
    de l’enfant dans son état naturel, quand personne ne lui donne une orientation précise à traverser, à la nage.
    A eux l’imparfait.
    Quand au passé simple, il est bien sur réservé à l’entrepreneur, l’actif et digne aubergiste qui met en branle le monde et ses acteurs assoupis.
  2. L’auberge est le parti de l’aubergiste. Il en est le représentant assidu, souvent choisi, lorsque ce n’est pas par la bonne fortune, par une hérédité seconde et tortueuse.
    Celui qui vit dans l’abstrait des mots du dictionnaire peut attendre d’un aubergiste qu’il soit accueillant.
    Celui qui sait ce que la pression d’un bien tel, qu’une auberge, peut faire d’un humain, devine quelques plis de la personne où sont susceptibles de se dissimuler, un sens plus ou moins caché du droit divin et de la morale.
  3. C’est précisément ce pli qui conduit celui dont la fonction commerciale, si ce n’est sociale, est d’accueillir, à refuser et à s’enfermer dans la forme négative.
    « Je n’ai pas de chambre »
    qui fait écho à Pierrot
    « Je n’ai pas de plume … je suis dans mon lit »
    « Je ne puis »
    « Je ne puis vous donner à diner »
    mais je peux vous nier.

Il n’y a qu’un seul dieu … seul.

Il y a bien sûr un dieu - sans que la folie ne t’atteigne-Il y a bien sûr un dieu.

Il n’y a « dans la réalité » qu’un dieu.

Ne poursuis pas cette lecture si tu crains parfois que le sol se dérobe sous tes pas, ou que la nuit refuse de te rendre au jour. Si tu ne marches que dans la lueur crue des réverbères que tu préfères cette lumière qui dissimule la plus grande partie des lieux que tu traverses mais définit des contours où tu vois la couleur de tes pas, alors éteins ou brûle cette page.

Il n’y a qu’un dieu dans notre, dans ta réalité, parce que la matière, l’espace, le temps sont bien plus simples que tu ne le crois.

Cette chaise où tu es assis, l’écran, le papier que tu regardes, et même la moindre cellule de ton corps n’existent que grâce à l’activité incessante de ce dieu, de cette unique créature.

Ne t’es-tu jamais demandé, si quelqu’un t’a un jour donné cette information, pourquoi le physicien traqueur de particules élémentaires, cette femme ou cet homme qui produit sans cesse des accidents dans l’espoir de voir surgir un nouveau cadavre, pourquoi le physicien avait fini par admettre comme un principe qu’il lui était impossible de connaître à la fois la position d’une particule et ce qu’il nomme sa « quantité de mouvement » ?

La réponse est simple, il est impossible de faire réellement se rencontrer deux particules pour la bonne raison que dans l’univers entier il n’en existe qu’une seule.

Si ton esprit refuse cette idée de prime abord, c’est un réflexe salutaire que tu dois accepter, laisse ici mes élucubrations et retourne au monde de tes perceptions premières.

Tu as laissé la porte ouverte ? Alors j’entre plus avant, et poursuis mon propos.

Une seule particule ! Et l’univers entier est le résultat de l’activité extraordinaire de cette unique entité qui existe à un instant ici, puis l’instant suivant ailleurs et qui, tout comme la fronde tournant à grande vitesse autour d’un point, donne l’impression d’occuper une couronne entière.

Je te laisse quelques instants, seul avec ce qui ne doit t’être, à cet instant, qu’une idée, une abstraction pure. Et qui deviendra, si tu lui laisses la possibilité d’entrer davantage en toi, une sensation, peut-être même un éblouissement tel que ceux dont tu as entendu parler à propos d’êtres au destin remarquable.

Sache simplement – seule conséquence que je te livre aujourd’hui – que le temps dans lequel tu vis n’a rien à voir avec le temps réel de l’univers, puisque, comme tout ce qui vibre dans le cosmos, tu ne reprends conscience, de façon discontinue, qu’en des instants d’une brièveté infinie entre lesquels s’écoulent des éternités dont tu ne peux te « rendre compte » puisque tu n’y existes pas. … Pas plus que la totalité de tes instruments de mesure.

A bientôt, peut-être, pour évoquer ensemble ce qui, maintenant que tu connais ta nature divine et ta solitude, ce qui pourrait te permettre de continuer à y vivre sans que la folie ne t’atteigne.