« Oui, Burgmüller, souvenez-vous !
Traduit de l’allemand par Ura Müller et Denis Denjean
Ce livre que je goûte à petites gorgées
– comme un alcool fort, un vin raffiné, les préliminaires de l’amour, un plat de spaghetti à la carbonara (sans crème), une grappe de zibibbo, …-
me dit, me montre, me réjouit à la pensée qu’il est possible d’utiliser les mots malgré eux, de les libérer de leur coque, de les faire se recouvrir, se nier, s’accoupler, se dissoudre, tout en ne perdant rien, tout au contraire, de ce qui est en germe dans leur code génétique, leurs lettres et les sons qui les font pénétrer l’espace.
Gert Jonke donne ici une fiction que le scientifique pourrait doter d’un squelette tissé des théories quantiques, tant la causalité y est malmenée (celle à laquelle nous avons été dressé sur les bancs réels ou virtuels des écoles), mais qui serait bien insuffisant pour « ex-pliquer » pourquoi, après quelques pages (pour peu que…) tout y est si cohérent.
Burgmüller interroge, est questionné, rêve, nous réveille, pétrit et devient farine de son propre pain. Ici le regard est un prolongement de la langue, de la main, son pouvoir est immense et c’est pourquoi il accepte si souvent l’impuissance, c’est pourquoi il peut frôler, toucher, pénétrer le temps des pierres, déchirer la pellicule d’identité qui recouvre tout ce qui possède un nom, propre ou non.
La guerre du sommeil est un roman qui crée l’intimité, si l’on accepte de laisser, bien plus que ses sandales à l’entrée.