Latente

Que faire
pour le ruisseau des paroles
qui se meurt

d’épuisement
là où l’on exige
de son corps
canalisé
qu’il produise une réserve de pouvoir
palliant à la paresse des hommes

qui meurt

aspiré par des langues avides
suçant
impatientes
ses chairs
extirpant le sang
ignorant la saveur

qui meurt

multiplié à l’infini
par l’industrie du nain de la montagne

Qui meurt d’être
à la fois disséqué
avalé
et oublié

Que faire
pour le ruisseau
des paroles mourantes ?

Peut-être
brouiller un peu la lumière des lanternes
aider
tous les êtres mangeurs de cadavres
qui n’attendent qu’un signe
pour inonder ce monde
de nuit.

Une nuit propre à reposer nos yeux
à révéler les fausses transparences

Une nuit amicale
impitoyable comme la mer.

Une nuit de tempête
où se perdront
tous ceux qui ignorent leur état de noyé
mais vivront grâce à elle
d’ultimes secondes
transfigurés

Que faire pour le ruisseau
au lit bientôt séché ?

Attendre …
La pluie va bientôt tomber.


(dédié à Lucien Suel … capable de thé au riz … des orages)